7, 8, 9, crois-tu qu’ils bluffent…

Renan Taggert revient, dans ce troisième opus contant ses glorieuses aventures (souvent plus subies que voulues). Une nouvelle enquête, bien sûr…

Smash the mirror“, disait le poète (en l’occurrence Pete Townshend) et visiblement, les reflets font plus qu’inverser les situations. Pourtant, une certaine logique règne en ces lieux chaotiques.  Je m’en voudrais de dévoiler plus l’envers du décor : voilà pourquoi je vous propose deux extraits piochés au début du livre, alors que l’univers confortable de Théo n’a pas encore tout à fait sombré dans ce que je n’hésiterais pas à qualifier de folie… Ah mais attention, pas une folie douce.

… ça va saigner !

(sortie annoncée : 20 janvier)

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Théo cédait enfin, il allait cesser ses atermoiements pour la combler — puis recommença la partition des gammes frustrantes sur les cuisses. L’amusette dura — une éternité, songea-t-elle — quelques longues minutes qui satisfaisaient pleinement le goût prononcé du jeu de son partenaire. Les ornements virtuels qu’il esquissait sur la peau de l’aimée se transformaient en autant de fils de braise. La jeune femme était étourdie par un besoin viscéral d’être empalée par la queue qu’elle imaginait raide et très dure. Elle tendit le bras en arrière pour la saisir afin de sentir les palpitations dans sa paume. Elle l’approcha de la fournaise de son sexe ruisselant ; le pieu devait impérativement éteindre son envie en la clouant si elle ne voulait pas devenir folle. Les flammes montaient désormais le long de son échine et vrillaient sa colonne vertébrale, la ployant sous l’effort des muscles tétanisés par la frustration.
Théo jubilait. Il se dégagea d’un mouvement de bassin de l’emprise des caresses sournoises tandis qu’il alla cueillir les seins de Lucy. Il bloquait ses poignets afin de l’empêcher de se branler — elle devait faire taire les élancements de son ventre coûte que coûte, alors qu’il refusait, quel salaud, de la baiser — tout en l’enveloppant de ses mains en conque. Une fois qu’il l’eut immobilisée, il plaqua son pubis contre ses fesses et glissa le serpent nerveux à la lisière de ses lèvres. Elle poussa un petit cri, enivrée par l’espoir d’être remplie du large membre. Malgré la prise ferme qui la paralysait, elle entreprit une habile reptation de manière à brusquer son tortionnaire et à aspirer la tête de l’aspic qui tapotait à son huis. Elle le sentit s’enfoncer avec délectation dans sa chatte, ventouse insatiable ; elle inspirait simultanément avec la bouche à l’unisson de sa vulve. Il se cambra pour s’échapper de ce doux piège. Elle trépignait. Le désir devenait douleur, jusqu’aux aréoles délicatement malaxées par des doigts prévenants qui la picotaient. Son corps entier n’était qu’un sexe en fusion.
Il la connaissait si bien. Il savait que le jeu devait finir. Il axa sa queue de façon à la glisser très profondément en elle, sans autre forme de politesse. Il fut — en contraste avec les attentions qui l’avaient portée au paroxysme de la tentation — très brutal quand il la baisa. Elle hurla qu’elle l’aimait, qu’il devait la défoncer, que le diable l’enculerait s’il ne s’en chargeait pas sur l’heure. Elle jouit sous les coups violents. Il la labourait avec passion ; il maintint son bassin tandis qu’il la besognait avec ardeur. Elle le supplia de continuer, encore et encore, prétextant qu’une telle salope ne méritait que ça. Il bafouilla qu’il était fou d’elle, tout en cabrant, dans un sursaut ultime, tout son corps contre les fesses de sa chère compagne. Ils crièrent ensemble à l’instant où l’orgasme les terrassa.
Tandis qu’il reprenait douloureusement sa respiration, il avait l’impression que les murs vibraient toujours de leur coït. Des sortes de répliques, pensa-t-il avec ironie, quelques microséismes résiduels qui feraient écho à l’explosion de leur union. Les vitres chantaient une mélopée envoûtante, lui semblait-il. Lucy ne disait rien. Elle avait les yeux mi-clos et paraissait sereine, comblée, satisfaite de sentir le poids de Théo vaincu sur elle.

[…]

2
L’ambianceur était presque nu. Le studio était surchauffé, de manière à accueillir dignement le public naturiste habitué à acclamer son animateur vedette, l’icône préférée des Français de tous âges et de toutes conditions sociales, celui qui avait décidé que le jeu qu’il présentait ne serait plus diffusé s’il n’était pas en phase avec la mode du moment ; la mode du moment était une volonté de retour à des valeurs saines, ancestrales, à la gymnité édénique, celle du père de toute l’humanité, et d’une de ses compagnes créées par Celui-Qui-Va-Revenir.
« Mesdames et messieurs, je vous demande d’applaudir comme il le mérite le magnifique, l’unique, le divin Maximilien Saint-Jones. Mesdames et messieurs, Maximilien Saint-Jones. »
Saint-Jones entra en courant sur le plateau. Il contempla avec une certaine joie ces humbles venus lui assurer qu’il avait changé leur vie, la tristesse de leur quotidien. Saint-Jones n’était pas mégalomane puisqu’il était le dieu de ces pauvres gens. Cette pensée lui traversa l’esprit, lorsqu’il surprit l’œillade chargée de mépris de Rémy, tandis que celui-ci battait frénétiquement des mains afin d’impulser la fureur dans le public pourtant déjà en pâmoison. Saint-Jones se promit de virer ce malpropre, cet homoncule qui ne rendait pas l’hommage dû à son statut. Il était Saint-Jones, par Aldonse Qui-Fît-Tant-Souffrir, nom de Celui-Qui-Va-Revenir, Saint-Jones, Saint-Jones… Son patronyme même était du miel pour les ouïes défaillantes des vieillardes édentées du premier rang. Elles exhibaient fièrement des autocollants à l’effigie de Maximilien Saint-Jones qui paraient d’infertiles tétines flasques cheyant sur leur ventre veiné de vergetures.
« Bonsoir ! Merci de nous accueillir, chez vous, pour une nouvelle émission de votre jeu préféré : un bâillon tout neuf. »
À l’énoncé du titre de ce défi télévisuel, les occupants des plus hautes banquettes qui lui faisaient face sautèrent sur place, mettant en péril la bonne tenue des gradins. La foule hystérique témoignait de sa passion virulente pour le concept révolutionnaire dont il était le créateur — Maximilien Saint-Jones est un génie — et le producteur en plus d’en être le si talentueux animateur. Tandis qu’il se régalait de l’accueil réservé à lui-même, il avança la main vers le rideau à sa droite ; il regrettait de ne pas être aussi Miss Faimvalle, la charmante jeune fille mannequin de son état, qu’il désignait ainsi. Elle arborait pour seul vêtement sur sa silhouette décharnée un ruban de cuir serrant entre ses lèvres entrouvertes une poire d’angoisse.
Rémy, qui en pinçait pour elle, ne pouvait pas cacher l’érection que provoquait chez lui la vue du bâillon luisant. Miss Faimvalle minaudait, gracile et virevoltante, ce qui accentua encore la tension de la queue du chauffeur. Une invitée du public profita de son passage au plus près d’elle pour engloutir la bite offerte si complaisamment ; Rémy se dit… Non, il n’eut pas le temps de se dire quoi que ce soit, car Maximilien Saint-Jones avait déjà rejoint sa stèle pour lancer la première épreuve du jeu télévisé le plus populaire de tous les temps.

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Des joies simples …

Classement des meilleures ventes de eBooks le 15/08/2016

Voilà !

Sur un podium étendu, Lizzie est très présente et cela me ravit. Je précise néanmoins que je ne suis pas un compétiteur, mais j’avoue un plaisir certain ressenti quand je vois ces illustrations presque identiques qui se suivent de la deuxième à la cinquième place. “Lizzie et l’œil de Néfertiti” n’est pas loin (quinzième du classement). ***

Ok, mais la première place m’échappe, me direz-vous !

Je répondrai : “oui, mais non !” Je la partage en effet avec quelques plumes alertes et élégantes qui rivalisent de talent dans ce recueil que je vous conseille ardemment. Vous trouverez à la fin de ce post le lien qui vous dira tout à propos de ces auteurs. Voici, en attendant, une modeste “mise en bouche”, un extrait du texte écrit pour l’occasion : “Le chef d’orchestre”

Extrait :

La chape de plomb n’était pas insonorisée, mais nous n’en avions cure. De trille en trille, Grace-Eugénie exprimait ma musique, la métamorphosant en cantate céleste. Le lit battait la mesure contre la cloison creuse et la cadence obtenue nous exhortait à enchaîner les mouvements. Chaque phrasé ne durait pas plus de deux minutes ; celles-ci semblaient une éternité tant le silence qui lui succédait, perturbé subtilement par nos souffles bouleversés, était une partie essentielle du récital amoureux auquel nous nous nous adonnions.
Je ne me lassais pas de nos joutes mélodieuses. Je voulus aller plus loin encore et explorer des tonalités jusqu’alors inconnues. Le tambour du mur, le froissement des draps, nos voix mêlées… De compositeur, je m’improvisai chercheur. À mon avis, il manquait un ou plusieurs artifices dont les ondes acoustiques combleraient nos sens enivrés. J’imaginais que Grace-Eugénie partageait mes doutes et qu’elle applaudirait aux innovations que j’introduirais dans la partition
J’avais tort.
Je voulus, dans un premier temps, remplacer ma baguette par un substitut vibrant. L’excitation était là, sans aucun doute. Je bandai tandis que ma partenaire jouissait bruyamment. Elle me caressait, bien sûr, mais je ratai mon entrée et les dissonances vinrent se superposer aux vrombissements du godemichet. Une cacophonie sans nom creva nos tympans mélomanes. Grace-Eugénie profita de mon trouble pour me susurrer quelques idées à propos des costumes de scène. Je ne répondis rien. J’estimais être le seul à avoir les connaissances suffisantes… et le talent, que dire de mon talent ? J’avais révolutionné l’art lyrique, bon sang ! Ce n’était pas une petite traînée un tant soit peu douée d’une compétence particulière qui mettrait en doute mon génie. Elle demandait que nous revêtions des tenues ridicules — du latex noir, quelle vulgarité — et que je la fouettasse lorsque je la baisais !
« Je ne fais pas dans le vaudeville, ma chère ! Je suis un musicien, pas un clown. Rejoignez le premier cirque qui passe si vous voulez tant que ça vous faire baiser par un joueur de mirliton ! »
Elle pleura beaucoup.
Tandis qu’elle s’épanchait en de vulgaires gargouillis sans intérêt, je la besognai pour comprendre en quoi mes expérimentations ne donnaient rien de bon. Elle jouit sans conviction et ne réussit pas à clore son envolée, celle-là même qui la rendait si précieuse pour un musicien de ma trempe. Je biffai d’un trait rageur trois feuillets de ma partition, détruisant plusieurs mesures de vocalises. La position fut changée elle aussi ; la choriste devrait désormais se doigter pendant que j’étoufferai de mon organe les sons résultants de ce jeu brutal. Ce pizzicato fit son effet. La voix assourdie par ma queue devenait ostinato ; je modulai seul et libre une mélopée que les trépidations de la gorge asphyxiée accompagnaient subtilement. Le professionnalisme de Grace-Eugénie était mis à rude épreuve, mais elle m’épargna le coup de dent vengeur.
Je jubilai. Cette pièce était encore plus innovante que tout ce que j’avais composé depuis mes débuts. Il avait suffi que j’inverse les rôles. Je serais à l’avenir tout à la fois, instrumentiste rythmique, soliste et chanteur. À ma partenaire revenaient les basses qui enrobaient la musique… MA musique.
Grace-Eugénie m’avoua longtemps après que le bâillon ne lui déplaisait pas. Elle rêvait tant d’une poire d’angoisse que ce substitut l’avait fait patienter. Elle persistait pourtant à penser que mes œuvres devenaient trop abstraites pour être réellement intéressantes. Béotienne ! Je lui demandais cyniquement si les quelques mesures pendant lesquelles je câlinais pianissimo ses seins et son dos étaient si « abstraites » que ça. Elle ne répondit pas. Elle me quitta bientôt pour un histrion, un phénomène de foire travesti hululant lors de concerts de trash métal vulgaire et insipide. Grace-Eugénie avait délaissé le génie pour l’inélégance. Elle ne me méritait pas.

Retrouvez ce texte en très bonne compagnie (RosaBonnet, Jean Darmen, Louise Laëdec, Noann Lyne, Fêteur de Trouble, Wen Saint-Clar et Monsieur K.) dans le recueil “Fantasmes 2 – L’Auto-stoppeuse / Le Musicien” paru chez DOMINIQUE LEROY ebook dans la Collection e-ros & bagatelle

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*** Révision du 22 août 2016 :

16.08.22 Lizzie

youpi !

Lizzie, sexploratrice du temps – Époque 5 : l’œil de Néfertiti (extrait)

Bandeau-Numilog-Lizzie-6epL’album de photographies compromettant (voir les épisodes précédents) a échappé à Lizzie et Charlus. Celui-ci remue ciel et terre pour mettre la main sur les clichés très suggestifs de son officier formateur pendant que celle-ci préfère les charmes d’un très jeune artisan sculpteur qu’elle initie aux joies du sexe sous le soleil torride (et insupportable pour sa carnation de rousse aux mèches d’or) de l’Égypte antique.

extrait :

Lizzie regardait Nebaton à la dérobée. Elle cherchait dans la jeunesse de sa physionomie l’homme qu’elle avait croisé quelques années auparavant. Une trentaine d’années séparait l’apprenti du sculpteur expérimenté qui avait tressailli en apercevant une chevelure rousse, mais les traits burinés et la dureté du travail accentuaient les dégâts occasionnés par l’âge. Elle se demandait s’il trouverait une compagne et s’ils auraient des enfants. Elle se promit de revenir épisodiquement observer l’évolution de la carrière de l’éphèbe devenu adulte entre ses mains expertes. Elle savait qu’elle ne tiendrait pas parole. Nebaton était une passade, une friandise qu’elle s’offrait comme elle profitait des autochtones de toutes époques dans sa quête effrénée de sexe entre chaque mission. Lizzie avait porté la notion de tourisme érotique à l’acmé du genre ; elle métamorphosait seulement les classiques destinations lointaines et exotiques en périples spatiotemporels.
Il y avait tout de même une différence notable dans cette escale en Égypte : elle avait improvisé ses vacances pour se changer les idées pendant que Charlus cherchait le livre qu’il avait égaré pour la deuxième fois en cent ans. Elle aspirait surtout à perdre le souvenir de l’alchimiste, de cet homme étrange qui occupait une bonne part de son esprit. Lizzie ne savait pas si la fréquentation d’un immortel voyageant dans le temps de façon linéaire était une infraction caractérisée dans les directives de la Section Chronoprospect, mais dans le doute — et pour son confort mental —, elle préférait l’oublier.
L’affection qu’elle ressentait pour Nebaton n’était pas du tout du même registre. Il était jeune, beau et il apprenait très vite, mais elle avait connu d’autres jeunes gens beaux qui apprenaient vite au travers des siècles. Elle sentait aussi qu’il s’attachait à elle, mais cela, elle s’en moquait. L’évidence voulait qu’il la transformât en une icône sacrée, parce qu’elle était à jamais mystérieuse et inaccessible ; cette perspective ne déplaisait pas à la sous-colonelle Stromb.
Elle partirait le lendemain. Cette nuit serait la dernière qu’elle offrirait à son amant.

La pièce embaumait le cèdre, mais également le nard et le santal dont s’était enduite Lizzie. Elle souhaitait, par pure mégalomanie, que cet ultime huis clos restât gravé dans l’esprit du sculpteur ; elle avait revêtu pour l’occasion les atours d’une reine. Ses ongles dont le vernis incorporait une poudre d’or crissaient sur le lin de sa tunique finement tissée et serrée à la taille par une ceinture tressée. Chaque mouvement entrebâillait les pans ourlés d’un fil vermeil qui dessinait une frise sobre et élégante ; elle sortit du panier quelques mets — bière, hydromel, fèves, poissons grillés et quelques feuilles fraîches de khat — qu’elle disposa sur une table improvisée. Ses seins généreux luttaient pour échapper à l’emprise de la tenue et Nebaton ne quittait pas des yeux les globes pleins prêts à jaillir tandis que Lizzie se penchait pour verser dans un gobelet d’étain un liquide ambré. Elle regardait avec gourmandise le pagne du garçon se tendre et creusa un peu plus ses reins pour accentuer l’animation de sa poitrine qui l’affriolait visiblement. Elle lui présenta la coupe et se servit à son tour sans renoncer à son manège. Avant de porter à sa bouche l’alcool léger, elle dénoua la ceinture de son habit ; celui-ci s’ouvrit totalement et elle s’approcha jusqu’à effleurer le corps musclé qui vibrait d’émotion devant les courbes sensuelles de l’étrangère. De sa main libre, elle saisit le pic culminant à hauteur de ses hanches. Le jeune homme gémit.

Cette cinquième époque est disponible sur le site des éditions Dominique Leroy.

Elle est aussi disponible sur Amazon.

Lizzie – quatrième époque

L’affaire des photographies nécessite le concours de Lizzie, qui part en mission au début du xxie siècle avec le cadet Charlus. Direction : une librairie où l’album original se trouverait. Entre les rangées de livres, les protagonistes font cependant de déconcertantes découvertes…

Lizzie !
Lizzie !

Extrait :

— Non, je suis bien avec toi et j’ai prévenu Joseph. Mais je m’inquiète, c’est tout ! », répliqua Chantal avec un sourire timide.
Les deux femmes étaient étendues, face à face, chaleur contre chaleur. Les regards s’embuèrent subitement quand leurs lèvres se joignirent. Leur baiser fut long et passionné, mais Lizzie était absorbée par d’autres pensées. Les amours saphiques n’avaient pas sa préférence, même si elle avait enjôlé la libraire sans vraiment savoir pourquoi. Une soirée sans doute trop arrosée, alors que la sous-colonelle Lizzie Stromb désirait comprendre pourquoi une Parisienne d’une vingtaine d’années de plus qu’elle vivant en ces temps reculés lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Elle la questionna à propos de sa famille, ses enfants, mais les réponses étaient toutes négatives. Chantal n’avait que Joseph Pellegrini dans son entourage proche et peu de souvenirs. Elle s’était faite très discrète au sujet de son passé comme si elle tentait de dissimuler une blessure trop cruelle pour être dévoilée à une inconnue devant un verre de Châteauneuf-du-Pape capiteux qui montait très vite à la tête. La conversation dévia rapidement, les jambes s’entrelacèrent et les mains s’aventurèrent dans les ombres et les creux de chairs musquées. Lizzie, peu habituée à la rudesse des vins de cette époque — le xxxiie siècle ne tolérait pas de boissons titrées à plus de quatre degrés d’alcool —, oublia son peu d’appétit pour les filles et se jeta sous la table. La nappe masquait la scène. Elle ouvrit les cuisses de Chantal trop grisée pour refuser l’hommage.
Elles quittèrent l’établissement enlacées étroitement sous les regards effarés des consommateurs enivrés.
Lizzie continua sa dégustation sur la banquette arrière de la voiture de Chantal. Nonobstant la position inconfortable, celle-ci apprécia à sa juste mesure les attouchements sensuels que lui prodiguait sa cadette. Elle enserrait le cou de celle-ci entre ses jambes dépliées, puis poussait du talon la passionnée qui œuvrait des doigts entre ses lèvres brûlantes. Langue et phalanges prenaient part au festin et se régalaient des flux qui coulaient en flots ininterrompus de la fente évasée ou plongeaient plus avant entre les nymphes. La libraire, au comble de la félicité, retenait ses cris, mais la montée violente du plaisir eut raison du vernis de réserve. Il craquela tandis que des piques suaves aiguillonnaient chaque parcelle de son corps. Elle sentit une chaleur intense partir de son bas-ventre et le rugissement qu’elle émit malgré sa pondération habituelle résonna longtemps dans l’habitacle étroit. Quelques passants, surpris, sursautèrent légèrement en passant près du véhicule ; par bonheur, les vitres opacifiées par de la buée cachaient au monde l’étreinte et la moralité fut sauve.
La joute continua dans une chambre d’hôtel, terrain neutre, car Chantal refusa l’accès de son appartement à son amante, arguant que Joseph ne comprendrait pas. Le prénom, mentalement traduit par Lizzie en italien, la fit tressaillir. Elle ressentit instantanément des rais de désir qui vrillèrent son bassin. Elle profita de la bouche de l’aînée sans arrêter d’imaginer la queue magistrale du comte Pellegrini, celui qu’elle avait rencontré au xviiie siècle. C’était le même homme, il n’y avait aucun doute. Par quel miracle ?

le Sosie de Lizzie, sexploratrice du temps, est disponible chez tous les libraires numériques, et notamment ici :

Éditions Dominique Leroy

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Les libraires

L’œuvre au noir (Lizzie et la pierre philosophale – extrait)

Lizzie et la pierre philosophaleÀ la hâte fut préparée une chambre à l’usage de la compagne de voyage de Giuseppe. Celle-ci profita du fait que les deux hommes conversaient à propos de tout et de rien — lui semblait-il — pour se rafraîchir et se reposer un peu. Lizzie avait dans le crâne des projets bien arrêtés concernant le comte Pellegrini et son énorme « engin ». La légende disait vrai, l’alchimiste était doté par la nature d’un phallus aux dimensions très peu courantes ; la jeune femme répétait pour elle-même « très » en roulant des r comme si cela accentuait encore les proportions du sexe.
Elle entendit les pas de Giuseppe résonner dans le long couloir qui desservait les pièces de l’étage. Machinalement, elle se recoiffa, remonta son bustier et passa la tête dans l’entrebâillement de la porte pour être sûre qu’elle ne se trompait pas de personne. Apercevoir la chevelure d’or et de cuivre dans l’ouverture fit sourire le visiteur.
« Vous êtes une belle âme incarnée, Lizzie, tels ces cristaux que l’on trouve dans les mines de la péninsule de Kassándra, en Grèce. Vous êtes un soleil, ma chère, la lumière qui brise l’épaisseur de l’obscurité et troue la nuit, un fanal mythologique émergé des eaux noires du Styx. »
Il éclata de rire. Puis il s’approcha d’elle et tendit la main.
« Venez, ne soyez pas timide ! Notre hôte ne peut pas nous entendre. Il sommeille dans une alcôve arrangée au-dessus de l’écurie. Le vicomte est âgé ; la chaleur des bêtes réchauffe tant bien que mal ses vieux os. »
Tandis qu’il la guidait dans sa propre chambre — à la grande joie de Lizzie — il continua :
« Vous ne pouvez pas éprouver la fortune de la jeunesse à sa juste mesure, mais comprenez bien que l’apparence n’est pas l’être ! Vous appréhenderez cela demain, quand nous irons visiter mon laboratoire. Pour l’instant… »
Giuseppe ne finit pas sa phrase. Il enlaça la jeune femme et chercha sa bouche dans un élan de tendresse qui la surprit. Elle goûta les lèvres, non sans penser que ce cérémonial ne devrait pas non plus s’éterniser. Le siècle d’où elle venait était pragmatique. Lizzie allait droit au but, et dans le cadre de cette rencontre précisément, seul le vit démesuré de Pellegrini l’intéressait. Elle savait aussi que l’époque était à un romantisme exacerbé. Le galant, quand il ne violait pas la paysanne, la courtisait longuement. Aucune de ces deux options ne lui plaisait ; la sous-colonelle Stromb se résolut à prendre l’initiative. Giuseppe la serrait fortement contre lui. Elle sentait le pieu d’acier contre le haut de son ventre et cela l’électrisa. Elle tenta de se dégager pour débraguetter le bandeur, mais il assura sa conquête ; il visitait avec passion la bouche de son amante d’une langue preste. Il la poussa fermement vers la couche et l’étendit sans stopper ses caresses. Lizzy n’avait d’autre choix que de laisser faire. « Et pourquoi pas, après tout », se disait-elle, « le tourisme, c’est aussi le respect des traditions autochtones », et cette manière surannée que le comte avait de « tourner autour du pot » ne la rebutait pas.
Giuseppe explora chaque millimètre de peau et effeuilla sa dame pétale par pétale. Les nombreuses parures volèrent dans la pièce, nuages de soies et de dentelles qui ondulaient dans l’heure suspendue. La magie du diable d’homme consistait à faire perdre à Lizzie toute notion du temps, ce qui était un comble pour un officier de la Section Chronoprospect voguant d’ère en ère. Celle-ci piaffait d’impatience. Elle mesurait à la chronicité des vibrations la connaissance parfaite de l’anatomie féminine ; l’alchimiste était maître dans l’art de la pâmoison de ses conquêtes. Elle sentait presque sa chevelure devenir auréole de flammes tant le regard fasciné du comte la brûlait au plus profond d’elle-même. Elle était maintenant intégralement nue, alors que lui voltigeait de ses seins à ses genoux dans des habits à peine désordonnés. Elle tenta une nouvelle fois d’extraire la queue convoitée. Boutons ou lanières ? Elle ne comprenait pas comment son amant était accoutré et se promit de s’intéresser plus précisément aux modes vestimentaires avant d’entreprendre son prochain voyage d’études. Elle trouva finalement l’extrémité d’une aiguillette et tira dessus ; l’effort fut profitable, car l’énorme rondin vint naturellement se caler dans le creux de sa paume. Elle le branla aussitôt vigoureusement.
Le pieu était sombre et gorgé de sève qu’elle voulait faire jaillir. La source n’était pas tarie, même si le Méridional coquin n’avait pas encore libéré le flot de sperme qui inonderait sa conquête. Il ne tarderait pas à jouir, elle s’en faisait le serment ; elle l’astiquerait tant et si bien qu’il ne pourrait plus retenir quoi que ce soit. Elle s’en lécha les babines par avance. Giuseppe la laissa faire ; il offrit son pubis pour que Lizzie pût mesurer l’ampleur de l’érection. Pendant qu’elle le manipulait sans vergogne, il la caressait plus savamment ; il alternait langue et doigts aux abords de sa fente qui devenait oblongue à mesure qu’il la titillait. L’ovale s’arrondit davantage quand il glissa quelques phalanges. Il les enfonça jusqu’à la paume et suivit un rythme personnel, qui sans être chaotique, mêlait accélérations et apaisements, dans le temps où elle-même battait la cadence à la triple croche. La main de la jeune femme semblait floue tant elle allait vite autour du mât. Elle haletait, crispée par l’effort. Elle oubliait presque les tensions électriques de plus en plus nombreuses qui ravinaient ses reins. Pourtant, il était question d’amour-propre et de son honneur de diablesse libidinale. Pellegrini l’avait prise sans déferler, donc elle le ferait cette nuit éjaculer avant que son bas-ventre, qu’il besognait si adroitement, explosât en mille braises étincelantes.
L’orgasme la surprit. Elle avait décelé les prémisses de l’extase, mais imaginait ignorer celles-ci. Le baiser incroyablement tendre qu’il posa sur ses lèvres entrouvertes fut déclencheur ; quand leurs langues s’acoquinèrent et valsèrent aux palais en des rondes sensuelles, un cri — étouffé — guttural annonça la défaite de la rousse aux mèches d’or. Sa main devint plus molle, sans pour autant lâcher la queue de son amant. « Toi, mon beau salaud, tu ne perds rien pour attendre. Je vais extraire ton jus et tu demanderas grâce », pensa-t-elle. Son corps ne répondait que par d’infimes secousses. Ces légers spasmes étaient délicieux.
Giuseppe n’avait pas cessé les caresses ; toutefois il était attentif à ne pas effleurer trop longuement les chairs palpitantes toujours gonflées de désir. Lizzie décida de l’emboucher ; il ne lui laissa pas le temps de se pencher sur l’organe convoité. Sans ménagement, ce qui contrastait avec la manière qui était sienne jusqu’à présent, il la retourna, se plaça derrière elle et disposa ses jambes de part et d’autre de sa taille ; il la pénétra alors d’un lent mouvement régulier qu’elle trouva interminable. Quand il l’eut totalement remplie, il resta un instant sans bouger, accroupi, les mains posées bien à plat sur les épaules de la fille clouée par un tenon conséquent. Le moindre tressaillement de celui-ci donnait l’impression qu’un fruit trop mûr allait exploser ; pourtant, Giuseppe ne paraissait pas inquiet quant à sa capacité à pilonner indéfiniment sa proie offerte. « La visite du laboratoire pouvait attendre des jours moins excitants, le sommeil aussi », pensa confusément Lizzie. Quelques balancements plus tard, elle hurlait qu’il la baisait comme jamais personne ne l’avait baisée. Elle l’interpellait avec divers sobriquets, tandis qu’il fouillait les tréfonds de son ventre ; « âne bâté » revenait le plus souvent. Giuseppe ne l’entendait plus. Il accélérait le battement et la turbina avec une respiration haletante de bûcheron. Étrangement, Lizzie fut déçue quand il éjacula. Quelques postillons qui peinaient à gravir la hampe rigide que l’homme enfonçait totalement en elle vinrent à peine irriguer sa matrice. Elle en ressentit une frustration surprenante au regard de l’extase que son « âne bâté » lui avait procurée.
Ensuite, elle estima qu’il aurait pu éviter de s’effondrer de tout son poids sur elle et de lui couper ainsi brutalement le souffle. Ils restèrent dans cette position longtemps ; enfin, il roula sur le côté et s’endormit aussitôt.
La tête appuyée dans le creux de sa main, elle le regardait. Elle chuchota avec une certaine ironie, plus pour elle-même qu’à son endroit : « Presque parfait, vraiment, bravo, bravissimo ! Quel dommage que la conclusion ait gâché un aussi mémorable coït ! Je t’enseignerai quelques rudiments d’éducation que ta lignée a sans doute omis de te transmettre. Néanmoins, rien n’est perdu, mon bel étalon, le plus gros est acquis ! »
Tandis que Lizzie sortait de la chambre sur la pointe des pieds, les ronflements du comte Pellegrini faisaient vibrer toutes les vitres alentour.


Lizzie, sexploratrice du temps.

Série en six époques éditée dans la collection “De fil en soie” aux Éditions Dominique Leroy

Époque 3 – Lizzie et la pierre philosophale : Nouvelle numérique, 58 pages, couverture en couleurs illustrée par Tatiana Shepeleva et Natalliajolliet. Prix éditeur : EUR 1,99

Disponible en format kindle ou chez l’éditeur (epub, mobi et pdf)

Autres titres disponibles :

Époque 1 – Lizzie impératrice

Époque 2 – Lizzie contre Arsène Lupin

Sheela Na Gig

“Sheela-Na-Gig”

been trying to show you over and over
look at these,
my child-bearing hips
look at these, my ruby-red ruby lips
look at these, my work strong-arms
you’ve got to see my bottle full of charm
lay it all at your feet
you turn around and say back to me
he said
sheela-na-gig, you exhibitionist

better wash that man right out of my hair
-“just like the first time, said you didn’t care”
-“heard it before, no more”
-“turn the corner, another one there “
-“heard it before”

he said
sheela-na-gig, you exhibitionist
put money in your idle hole he said
“wash your breasts, i don’t want to be
unclean” he said
“please take those dirty pillows away from me”

Paroles et musique : PJ Harvey

Chaque volume de la tétralogie en cours d’édition chez Dominique Leroy Éditions commence par une courte citation, mise en exergue, situant l’action à venir telle que je la sentais. C’est un extrait de “Nothing’s impossible” du groupe Depeche Mode qui ouvre le bal.

Just give me a reason some kind of sign
I’ll need a miracle to help me this time
I heard what you said and I feel the same
I know in my heart that I’ll have to change
Even the stars look brighter tonight
Nothing’s impossible
(Dave Gahan – Depeche Mode)

Je ne dévoilerai pas pour le moment les trois autres citations. Les livres sortiront en avril et octobre, et cela jusqu’en 2017 ; les lecteurs découvriront alors les divers fragments choisis.

Mais cette magnifique chanson de PJ Harvey pourrait être la “mise en bouche” de l’ensemble des quatre volumes (qui, rappelons-le, peuvent être lus séparément).

Sheela Na GigSheela Na Gig

Léger décalage (extrait)

La levrette, fresque Musée de Naples - extrait de J. MARCADÉ, Roma Amor, 1968, Nagel, p. 90
La levrette, fresque Musée de Naples – extrait de J.MARCADÉ, Roma Amor, 1968, Nagel, p.90

Je suis un gentleman. Je vais passer sous silence les diverses évolutions de la première nuit avec Corinne. Il me suffira de dire que le verre proposé fut rapidement posé sur un coin de table, pour libérer mes mains qui partirent à la découverte du corps de ma conquête. J’étais très excité de faire l’amour sans que les odeurs de l’huile de lin et de l’essence de térébenthine ne viennent s’agglomérer à celles de nos corps en fusion.
Je suis un gentleman, mais je dois quand même dire que la vision des fesses rondes de Corinne, de ses seins un peu lourds qui ballottaient au rythme de notre union, de son visage d’abord enfoui dans un oreiller puis redressé dans ce que je pensais être un spasme de plaisir, un cri contenu d’orgasme, accentuait encore mon excitation.
Et je me tournai vers le miroir de la grande armoire, pour admirer d’une manière un peu plus perverse encore son corps devant moi.
Et je remarquai, interloqué qu’elle écrivait sur un petit carnet, quand je l’inondai, dans un dernier mouvement du bassin.

J’attendais de reprendre mon souffle, allongé sur son dos, pendant qu’elle continuait à gribouiller sur le calepin.
–    Qu’est-ce que tu écris ?
–    Je prends des notes. Continue, si tu veux, tu ne me déranges pas.
–    Qu’est-ce que tu écris ? répétai-je, énervé d’avoir été un peu gêné dans mon orgasme par ma partenaire griffonnant sur un bloc-notes à spirales.
–    J’aimerais savoir ! ça me concerne ?
–    Bien sûr que ça te concerne. Je ne prends pas de notes sur mon boucher quand mon amant me baise en levrette !
Et en effet, Corinne notait scrupuleusement toutes mes attitudes, mes réactions, même les mots tendres ou coquins que je lui avais dits pendant que nous faisions l’amour.
Je cherchai des yeux les caméras, ou les micros, qu’elle n’avait certainement pas manqué de dissimuler dans la pièce.
–    Mais…
–    J’en étais sûre. Qu’est-ce qui vous choque tant dans le fait que je prenne des notes quand vous me faites l’amour ?
–    Ce n’est pas habituel ! tu peux en convenir, non ?
–    Je ne sais pas, je n’ai jamais fait l’amour avec un psy. Mais s’il est consciencieux, il se doit de noter les réactions de ses partenaires, en toutes occasions.
–    Tu es… ? Tu es psy ?
–    Oui ! enfin, presque ! Je poursuis des études en parallèle de mon travail.

J’aurais du me rhabiller en toute hâte et quitter cette chambre, cet appartement, ne jamais chercher à revoir Corinne.
Même si elle avait été une amante hors pair.
Au moins jusqu’à ce que j’appelai naïvement un détail.

Elle me changeait tellement de mes clientes-maîtresses, qui levaient le petit doigt en couinant un vaporeux « oh oui » timide et emprunté, avant de me labourer le dos de leurs ongles manucurés.
Corinne, en caressant négligemment mon pénis en repos, me raconta sa passion pour Freud, Jung, Lacan, Wellebrouck, Stoller, et pléthore d’autres noms que je ne connaissais pas.
–    Mais tu vas en faire quoi, de toutes ces notes prises aux dépens… de tes amants ?
–    Je prépare un mémoire. Je veux arriver à prouver que tous ces grands noms se sont trompés complètement sur…
–    … sur quoi ?
–    Non, je n’ai pas le temps de t’expliquer. Je dois dormir, j’ai rendez-vous demain matin. Une importante réunion que je ne peux pas rater.
–    Tu veux que je rentre chez moi ?
–    Je n’osais pas te le demander. Oui, je préfère dormir seule. On se voit ce soir ?

 

…/… à suivre

Ville-vacances (1ère partie)

Une pièce meublée de deux bureaux face à face, du côté gauche de la scène, ordinateurs, papiers à entête, sous-mains, stylos, tampons. Un troisième bureau avec le même équipement est en place près de l’entrée, à droite, de profil par rapport au public, presque au milieu de la scène. Une grande fenêtre éclaire l’ensemble, un portrait officiel est accroché au mur, en face de la porte d’entrée. C’est un office municipal. Coralie et Jordan sont de chaque côté de la fenêtre, sirotant chacun un café, tout en regardant dehors.

CORALIE
Ah les pauvres gens !

JORDAN
C’est sûr, ça ne doit pas être drôle !

CORALIE
On ne les a pas pris en traître non plus ! Ils ont largement eu le temps.

JORDAN
(s’écartant brusquement de la fenêtre, pour ne pas être vu du dehors)
C’est Max ! J’espère qu’il ne m’a pas vu !

CORALIE
(guillerette d’être dans la confidence, elle parle à Jordan tout en scrutant l’extérieur)
Tu le connais ? Ah oui, c’est ce fameux copain de lycée dont tu me parles sans arrêt.

JORDAN
(toujours en retrait de la fenêtre)
Il est passé ? Il a tourné la tête par ici ?

CORALIE
Non, il n’a pas eu un regard vers la mairie !

JORDAN
Dis-moi quand il sera loin ! Vois-tu sa femme et ses filles ?

CORALIE
Mais je ne la connais pas, sa femme ! Ses filles encore moins.
(Un temps passe, pendant que Coralie boit une nouvelle gorgée de café tout en regardant dehors, presque avec gourmandise)
C’est bon, il est passé !

JORDAN
(il s’est rapproché de nouveau de la fenêtre)
Ça fait pas mal de monde. Combien de cars Lefort a-t-il prévus ?

CORALIE
(Elle va à son bureau, fouille dans une liasse de papiers)
Attends que je retrouve le bordereau… ah, je l’ai ! Y’a vingt-cinq cars ce matin, autant cet après-midi.

JORDAN
C’est dix de plus qu’hier ! À croire que le mardi est jour de pointe.

CORALIE
(parcourant le bordereau, pleine de joie et d’admiration pour la machine administrative bien huilée)
Non, ce sera jeudi. On aura quatre-vingt-quatre cars qui vont faire la navette jusqu’au soir. Le grand boum, quoi !

JORDAN
Il nous restera à peine une journée pour tout nettoyer. Ça va être une drôle d’organisation, on n’a pas fini d’entendre Lefort râler.
(il finit son gobelet de café, vitupérant soudain)
Et voilà ! Fallait s’en douter ! La vieille folle qui habite au-dessus de la crêperie fait des histoires…

CORALIE
(Réfléchissant un court temps)
À c’t’âge là, elle serait mieux au cimetière, non ?

JORDAN
Ce sont les retraités qui ont voté en majorité pour le maire. Ils ont leur utilité !

CORALIE
Les vieux ET les commerçants.

JORDAN
Les commerçants, c’est quand même la moindre des choses. On se décarcasse pour eux, tout d’même. Et la plupart n’habitent même pas la ville.

CORALIE
(surprise)
Eh, mais oui, c’est vrai ça ! Ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales ici ! Avec tout ça, je crois que le maire a eu raison de faire voter par le conseil un mandat renouvelable par tacite reconduction.

JORDAN
(Éclatant de rire)
C’était pas bête, comme idée ! Comme ça, un élu n’a plus besoin d’électeurs.
(rêveur)
Il est tout de même très intelligent, m’sieur l’maire !

CORALIE
Au moins, il a les coudées franches pour ce type de décision assez impopulaire.

JORDAN
Impopulaire ? Ils ne sont jamais contents, c’est un comble !

CORALIE
Ils devraient être fiers de leur ville, et au lieu de cela, ils marchent vers les cars les yeux dans le vide, ou se cramponnent au chambranle de leur porte ! Dans quel monde vivons-nous ! Tu sais, souvent je me dis qu’on travaille pour des ingrats !

JORDAN
Tu as tout à fait raison. Ce n’est pas en restant dans son appartement qu’on devient la troisième ville touristique de France.

CORALIE
Mais ça, ils ne s’en rendent pas compte.
(criant à travers le vitrage)
Allez, marchez, tas d’ingrats !

JORDAN
Si Lefort t’entendait ? Ah ah ah, il nous a encore dit la semaine dernière : de la dignité avant tout !

CORALIE
On voit bien que ce n’est pas lui qui se tape tout le boulot !

JORDAN
Faudrait s’y mettre, d’ailleurs ! Ils étaient déjà une cinquantaine quand je suis arrivé ce matin.

CORALIE
Allez, on y r’tourne. Oh, regarde la gamine ? Ce n’est pas la fille de la fleuriste de la rue Dullin ?
(éclatant de rire)
Elle a pété les lunettes du type en pyjama…

JORDAN
(laissant passer un temps)
En pyjama ! Ah, parle-moi de dignité ! Alors qu’ils le savent depuis presque un mois ! T’as l’occasion de faire ta valise ET de t’habiller, dans ce laps de temps, quand même.

CORALIE
Laisse tomber, va ! On n’les r’fera pas !

Ils retournent vers leurs bureaux respectifs, Jordan totalement à gauche, et Coralie près de l’entrée.

JORDAN
Préviens l’accueil qu’on va recevoir les postulants.

…/… à suivre

Update

Théâtre, pièce en quatre actes.

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« Update » a été créée le 11 juin 2013 à Paris, au Bouffon Théatre (19e), par la compagnie Cléo & co.

Ils en parlent : LES SOIRÉES DE PARIS

Personnages :

–          Gabrielle, quadragénaire, journaliste. Elle se découvre une fascination pour les smartphones et en devient « esclave ».

–          Thomas, compagnon de Gabrielle. Collectionneur, il est passionné d’objets hétéroclites qu’il chine, notamment ceux ayant trait à l’histoire du sport.

–          Carole, journaliste et collègue de Gabrielle. Elle développe la même fascination pour les smartphones, autant par snobisme que par désir d’être « à jour » avec les dernières évolutions. Sa vie sentimentale est exclusivement numérique et les ruptures avec ses amants de tous les coins du monde, fréquentes.

–          Jérôme, informaticien, copain de fac. de Thomas et ancien collègue de travail. Il plaque tout pour se lancer dans l’apiculture sans avoir la moindre notion sur l’élevage des abeilles.

–          Voix électronique. Elle rythme les mises à jour des applications installées sur les divers smartphones de Gabrielle, jusqu’à devenir la voix de la « numérisation » finale de la jeune femme.

Synopsis :

Voici un couple perdu dans la tourmente du monde contemporain.

Gabrielle et Thomas sont-ils asservis par ces objets du quotidien, pensés pour ne durer qu’un temps très limité, miroirs aux alouettes du mercantilisme effréné de notre époque entrainant le tandem dans une course sans fin à la surconsommation.

Du besoin à la dépendance, la frontière est mince, Gabrielle en sait quelque chose. La peur, générée pour des raisons commerciales, de ne plus être totalement en phase avec le Monde est plus prégnante désormais que tout ce que lui était cher. Elle devient, sous les yeux de Thomas, esclave des nombreuses mises à jour, engluée dans la toile tissée par les innombrables applications (et leurs updates) souvent inutiles de son smartphone, qu’elle remplace évidemment dès qu’un nouveau modèle est proposé sur le marché. Elle est inexorablement et artificiellement rendue avide de nouveautés par les alléchantes (et autoritaires) propositions publicitaires.

La ronde est folle, et les amis du couple ne sont pas en reste. Carole, collègue de Gabrielle, est condamnée à n’aimer que par voie numérique tandis que Jérôme, copain de Thomas, choisit la vie fantasmée d’un citadin s’imaginant en improbable apiculteur et migrant à l’autre bout du monde à la recherche d’une reine.


Disponible ici : Update (Amazon Kindle)

Le Cantique de Kantik (extrait)

CHARLOTTE
J’ai lu que vous faisiez des initiations à la transdéviation ?
John incarne alors un personnage plus gourou qu’homme

JOHN
Oh, « je fais des initiations » (air quotes) n’est pas l’expression la plus exacte. Je suis plutôt le relais entre vos ondes bêta-prime (prononcer prime à l’anglaise) et celui que j’appelle « Le Visiteur »

CHARLOTTE
Ah oui. Cette partie de votre cours m’a passionné. « Le Visiteur ». Quelle chance ! C’est merveilleux de vous écouter en parler !

JOHN
Ce qui est réellement important ou merveilleux, et je pense que vous avez noté ce passage quand j’expliquais ma rencontre avec « Le Visiteur », c’est de laisser vos Bêta-prime s’évader librement de notre espace euclidien à quatre dimensions vers les transdimensions aléatoires dans lesquelles, seulement (appuyant sur ce mot), sont accessibles les particules quantiques.
Il redevient homme charmeur, laissant un temps son uniforme de gourou devant l’attitude pleine de déférence de Charlotte.

JOHN
Mais pour arriver à cet état de concrétisation de la transdéviation, nous pouvons vous aider, Le Visiteur et moi-même. Je suis uniquement son intercesseur, mais à ce titre, j’ai toute latitude pour vous initier.

CHARLOTTE
(rougissante)
J’en serais ravie.

Il saisit un collier ornant son cou, un médaillon assez grotesque et pseudo-ésotérique

JOHN
Tenez ! Ce médaillon est très précieux. Il me fut légué par le grand sage Marahdji, au Népal, lors d’un de mes voyages initiatiques. Il marquera votre passage du néant vers la lumière, comme un phare dans votre nuit.
Il marque un temps, enfilant la chaîne autour du cou de Charlotte.
Il est unique, comme vous.
Un ange passe. Charlotte sirote son verre, ne sachant trop quoi dire. Kantik la dévore du regard.

JOHN
Quand voudriez-vous commencer ?

CHARLOTTE
Le plus tôt possible.

JOHN
C’est le mieux pour vous.

CHARLOTTE
J’aimerais intégrer tout de suite un de vos cours d’initiation, même au milieu du cursus s’il faut. Je crois que ça me ferait le plus grand bien.

JOHN
(de nouveau gourou, prenant subitement un air profond)
Vous cherchez des réponses, je le sens. C’est très fort dans votre aura. Non, ne dites rien, Le Visiteur me parle de vous… Oui, c’est exactement cela ! Vous êtes en quête d’un mieux-être et il pense être le seul à connaître le Pratchou dans lequel sont…

CHARLOTTE
Pardonnez-moi, qu’est-ce que le Pratchou ?

JOHN
Ah oui, le Pratchou. C’est un paysage mystique de troisième niveau auquel vous serez familiarisée comme je le suis quand vous aurez toutes vos bêta-prime en accord fondamental. Il est exact que je ne me suis pas vraiment étendu sur ce sujet pendant la conférence. Mais, à ma décharge, la Connaissance est tellement vaste… Je ne peux pas aborder son intégralité cosmique autant que je le voudrais. Et certains secrets sont nécessaires à l’équilibre global, notamment pour la dimension quantique du Pratchou. Seuls les initiés ont accès à toutes ces révélations. Mais avant de vous expliquer le Pratchou, vous devez suivre assidûment les cours d’initiation. Et vous verrez, vous saisirez mieux l’étendue de votre pouvoir quand vous serez dans ce niveau supérieur qui donne l’étendue mystique du Pratchou dans sa beauté intrinsèque.

CHARLOTTE
(pleine d’espoir, sous le charme de Kantik, murmurant)
Vous pensez que j’oserais espérer atteindre cette étape ?

JOHN
Vous plaisantez ? Si Le Visiteur a éclairé vos bêta-prime balbultiantes en vous guidant jusqu’à moi, tout espoir vous est permis ! Vous faites partie des 1 % de la population à être éligible pour la transdéviation ? C’est peu, n’est-ce pas ? Mais la Connaissance est réservée à une poignée d’élus.

CHARLOTTE
Ah quel bonheur. Voyez-vous, John… Je peux vous appeler John ?

JOHN
Je suis votre intercesseur, Mademoiselle
(avec un sourire carnassier)
Je peux vous appeler mademoiselle, mademoiselle ?
(redevenant sérieux)
Je préfère que vous m’appeliez professeur, ou éventuellement maître, même si vous n’avez pas encore tout à fait le droit d’employer ce terme dans la phase d’initiation. Je peux faire une exception pour vous, car vous avez été choisie par Le Visiteur. Je m’incline toujours devant ses Volontés.

CHARLOTTE
(énamourée, au comble de la joie, tombant dans les bras de Kantik)
Aaah, Professeur ! Merci ! Quand commençons-nous ?

JOHN
(Se penchant pour l’embrasser, empoignant un sein)
Mais tout de suite mademoiselle. Nous avons déjà commencé, figurez-vous. Vous ne pouvez plus reculer, désormais marquée au fer rouge et enivrant de la Connaissance.
(Il malaxe doucement le sein de Charlotte, son visage contre le sien, susurrant)
Je vous demanderai juste de rédiger un chèque de cinq cents euros pour la première série de cours ! À l’ordre du Professeur John… Non, laissez le destinataire en blanc, je ne veux pas vous contrarier avec ces futilités. Mon secrétaire s’en chargera.


Disponible ici : Le Cantique de Kantik (Amazon Kindle)